15 juillet 2014

La coulée de lave du volcan Santiaguito

Depuis plusieurs années le Santiaguito, qui est un regroupement de plusieurs dômes édifiés depuis 1922, est le siège d'une lente extrusion de lave visqueuse au sommet du Caliente, un des dômes du Santiaguito, dont l'histoire et la morphologie lui font maintenant mériter, en tout cas à mon sens, le nom de "petit stratovolcan".
Cette accumulation de lave a alimenté pendant longtemps une "galette" de lave  au sommet du Caliente, qui a débordé tantôt sur un flanc, tantôt sur un autre, parfois sur plusieurs en même temps.


Pendant ce temps tout le gaz émis par cette activité, percolant à travers la moindre fissure du Caliente, avait fini par fragiliser sa partie sommitale. Sous le poids de lave accumulée, la partie amont du flanc Est a finit par céder le 09 mai 2014, libérant brutalement une grande quantité de lave, heureusement relativement pauvre en gaz, et laissant une large cicatrice béante. Une série d'écoulements pyroclastiques importants, canalisés dans une ravine creusée au pied du versant sud-est, a dévasté toute la végétation qui s'y trouvait, jusqu'à 7 km de distance. Dans les semaines suivantes, les pluies abondantes qui se sont abattues sur le Guatemala ont provoqué la mise en place de lahars chauds, dont au moins un a détruit du matériel de surveillance de l'Observatoire.

Ecoulement pyroclastique sur le volcan Santiaguito, 09 mai 2014
Une partie du flanc est du Caliente vient de céder: un écoulement se dirige vers les Finca de café d'El Faro. Image: INSIVUMEH

Il me semble important de bien comprendre que cette activité, toute impressionnante et dangereuse qu'elle fut pour les travailleurs des Finca toute proches, était relativement "passive" c'est-à-dire produite par un changement en surface (la fragilité du flanc Est qui s'est effondré): cette phase intense ne provient pas d'une réalimentation du système d'alimentation de l'édifice par du magma neuf et riche en gaz, sinon il y aurait eu des explosions verticales, probablement aussi des écoulements pyroclastiques plus nombreux, plus fluides et moins canalisés.
L'activité aurait en fait été plus intense le temps de libérer un surplus de gaz qui serait arrivé des profondeurs. Or ce n'est pas le cas: il y a eu effondrement + quelques écoulements pyroclastiques (bien canalisés), puis le retour à la tranquillité en quelques heures.

Ces événements de surface n'ont quasiment pas perturbé l'extrusion de lave qui, elle, semble être restée continue. Rapidement après la crise en effet, les bulletins de l'observatoire ont commencé à décrire des éboulements dans la cicatrice d'effondrement: la lave arrivant au sommet du Caliente a commencé à s'étirer en une coulée visqueuse dans la cicatrice béante. Pendant sa progression cette lave perd sa chaleur donc durcit et, sous l'effet de sa progression, s'émiette tranquillement. Les blocs qui se détachent roulent dans la cicatrice, jusqu'au pied du flanc Est du Caliente.

Bien sûr, comme d'autres j'imagine, je surveille toujours les images prises par l’observatoire, une fois par jour, parfois moins. Mais pour le moment, à causes des conditions météos ou d'une brume matinale normale en zone tropicale, surtout en période humide, impossible de distinguer sur les images cette coulée. A tel point que j'ai même commencé à douter qu'elle existe.
Rudiger Escobar Volf, du Michigan Tech Institut, m'a libéré de mes doutes en prouvant qu'elle était bien présente grâce à une image thermique prise par le satellite Landsat 8 fin juin, montrant une longue anomalie évoquant une coulée.

Image thermique de la coulée de lave du volcan Santiaguito, 30 juin 2014
Le serpent rouge-orange qui descend du Caliente est l'anomalie thermique liée à la coulée. Image: Rudiger Escobar Wolf/Michigan Tech

Pour lui l'anomalie entière constitue alors la trace de la coulée mais, ayant un doute sur sa longueur, je lui avais tout de même demandé si elle pourrait être le fruit d'une courte coulée et de l'accumulation, dans la cicatrice, des blocs chauds qui s'en détachent. "Possible" m'avait-il répondu: un signal thermique seul n'est jamais facile à interpréter.
Une incertitude demeurait donc, non plus sur la présence de la coulée, mais sur sa taille: il ne manquait qu'une image claire, nette et précise pour être sûr: l'ASTER l'a faite, le 08 juillet dernier.

Image ASTER de la nouvelle coulée du volcan Santiaguito (Santa Maria), 08 juillet 2014
La nouvelle coulée du Santiaguito se met en place sur le versant est du Caliente. Image: ASTER/GSJ
Cette image permet même l'estimation de la taille de cette nouvelle coulée: 1400 m environ, canalisée dans la ravine de la rivière Rio Nima 1. Elle montre aussi que R.E.Wolf avait raison et que le signal thermique était bien émis par la coulée en cours de progression (la forme du signal thermique est identique à celle de l'image ASTER). La comparaison permet aussi de se rendre compte qu'entre les 30 juin et 08 juillet, la coulée n'a pas vraiment progressé.
L'image ASTER, en fausse couleurs, permet de distinguer aussi de nombreuses autres coulées visqueuses, plus anciennes.
La scène replacée dans une perspective permet d'avoir une bonne idée des dimensions réèlles de l'ensemble.

Image Google Earth du volcan Santiaguito (Santa Maria).
L'image ASTER plaquée sur Google Earth permet de voir le majestueux cône éventré du Sanat Maria, puis le Caliente et sa coulée.

Sources: ; ASTER/GSJ 

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