21 mai 2014

Un point sur la situation des volcans Etna, Cerro Negro de Mayasquer, Santiaguito (Santa Maria), Kavachi

Etna, Italie, 3330m

Une petite activité a repris, hier ou cette nuit (le mauvais temps n'aide pas à y voir clair...), sur le Nouveau Cône Sud-Est (NCSE). Elle se manifeste par de fréquentes projections incandescentes, de faible intensité, et la présence de deux zones de dégazage à très haute température, elles aussi incandescentes, sur la lèvre est (points rouges à droite sur les images ci-dessous) de ce même cône.

Projections incandescentes sur le volcan Etna la nuit du 20 au 21 mai 2014
Phases de projections incandescentes sur le NCSE cette nuit. Images: webcam "Montagnola" de Radiostudio7

Le tracé du trémor ne montre aucune variation particulière ces derniers jours et, que cette activité soit
présente ou absente, il reste à un niveau assez bas, globalement stable (en fait son intensité moyenne baisse légèrement sur la semaine écoulée).....Si on ne regarde que le trémor on pourrait croire qu'il ne se passe rien!
Evolution du trémor du volcan Etna entre les 14 et 21 mai 2014
Evolution du trémor sur la semaine écoulée. On peut noter sa tendance à la baisse. Image: INGV
C'est la raison pour laquelle j'hésite à employer le terme "activité strombolienne" qui est vraiment employé lorsqu'une lave neuve, juvénile, est en cours d'éruption. Or ici la situation n'est pas claire sur ce qui se passe dans les conduits du NCSE. L'absence de variation du trémor semble indiquer qu'il n'y a pas de mouvement significatif de magma, ce qui rend d'autant plus surprenant la présence de projections incandescentes. Or l'incandescence seule n'est pas un indicateur de la nature, neuve ou ancienne, de la lave projetée: en effet même une lave ancienne, portée à haute température, redevient incandescente.  De facto le seul moyen possible de savoir si on a affaire à une activité strombolienne (lave neuve) ou pas (lave ancienne) serait une analyse des fragments projetés, ce qui semble difficile vu le très haut degré de risques qu'il y a d'aller échantillonner sur le NCSE.
Par défaut, et puisque je n'ai pas de certitude sur le processus en cours, je préfère faire le choix, pour ma médiation, de m'abstenir d'employer l'expression "activité strombolienne". Mais cette situation est intéressante car elle montre bien que l'évolution d'un processus volcanique peut-être complexe et qu'on ne peut pas toujours faire un lien simple entre activité en surface et signaux sous-terrains (seismes, mesures de gravimétrie ou autres).

Sources: INGV; Radiostudio7


Cerro Negro de Mayasquer, Frontière Colombie-Equateur, 4445m

Les volcanologues Colombiens et Equatoriens continuent de collaborer étroitement pour la surveillance de ce complexe volcanique constitué de deux massifs, le Cerro Negro (à l'ouest) et le Chiles (à l'est).
Dans un bulletin spécial mis en ligne le 13 mai dernier, les volcanologues Equatoriens indiquent avoir mené une mission de trois jours qui a permis l’installation d'un sismomètre supplémentaire et d'un GPS, pour la mesure de déformation,  ce qui vient compléter le dispositif déjà en place et permet donc des mesures plus précises. Un autre sismomètre avait déjà été placé 15 jours auparavant dans cet idée de renforcer la surveillance pour tenter d'affiner les signaux (donc mieux les comprendre) et ainsi mieux anticiper et mieux communiquer. 

Les deux cônes Chiles et Cerro Negro du volcan Cerro Negro de Mayasquer
LEs deux cônes du Cerrno Negro de Mayasquer photographiés en 1985. Image: Minard Hall, 1985 (Escuela Politécnica Nacional, Quito), via le GVP

Cet aspect "communication" semble d'ailleurs pris très au sérieux par l'IGEPN qui a mis en place, pendant les jours de mission, des cession de rencontres avec des habitants de la ville frontalière de Tufiño afin qu'ils puissent poser des questions sur la situation en cours et connaitre les moyens déployés.
Côté Colombien, le rapport mis en ligne par l'Observatoire de Pasto hier indique que la sismicité reste élevée avec pas moins de 6600 secousses enregistrées sur la semaine écoulée. Toutes restent situées sous le versant sud-ouest du cône Chiles, entre 2 et 5 km de profondeur. Au moins une secousse à été ressentie le 14 mai par les populations locales.
Les niveaux d'alerte volcanique n'ont pas changé et restent au jaune.

Sources: IGEPN; Observatoire de Pasto; Global Volcanism Prgram (GVP)


Santiaguito/Sant Maria, Guatemala, 3772 m

Suite à l'effondrement de la partie supérieure du Caliente, le  09 mai dernier, l'activité du Santiaguito est restée dans les normes à savoir essentiellement du dégazage, parfois entrecoupé par des explosions faible à modérées. Les rebords de la la cicatrice laissée par l'effondrement étant friables, les bulletins des volcanologues de l'INSIVUMEH rapportent tout de même de fréquents effondrements de petite ampleur dans la partie supérieur du Caliente.
PAr contre les fortes pluies ont continué de produire des lahrs chauds, qui prennent sources dans les dépôts laissés par l'événement du 09 mai. Les volcanologues en poste à l'observatoire, proche de la rivière qui draine les coulées de boue, rapportent une forte odeur de soufre à leur passage. Les ayant observés, ils indiquent que les torrents boueux transportent des blocs de roche pouvant dépasser 1.5 m de diamètre!
Lors d'un survol effectué le 16 mai, les membres du CONRED ont pu mesurer l'ampleur des dégâts, en particulier dans la partie amont: toute la végétation située au abord de la ravine , creusée par la rivière Nima 1, qui a canalisé l'écoulement pyroclastique du 09 mai, est détruite. J'ai annoté  une des images de ce survol afin de permettre de se rendre compte de l'ampleur du phénomène.

Les dégâts causés par l'écoulement pyroclastique du 09 mai 2014. Les arbres brûlés, du couleur brune, montrent bien la trajectoire de l'écoulement et ses dimensions. Image: CONRED
Vous trouverez ci-dessous toute les images prises lors de ce survol et mises en ligne par le CONRED. J'ai volontairement choisi de mettre en ouverture l'image du pont Castillo Armas, dont je vous avais parlé dans les mises à jour du post du 09 mai. On voit bien qu'il ne reste pas beaucoup de place sous le tablier du pont et les coulées de boue continuent de remplir progressivement le lit de la rivière. En arrière plan, la silhouette pointue du Santa Maria, où se trouve le Santiaguito.




Sources: CONRED; INSIVUMEH.


Kavachi, Iles Salomon, -20 m

Depuis la détection par R.Simmon (NASA), le 29 janvier dernier, d'une importante tâche colorée suggérant qu'une activité éruptive s'était (probablement) mise en place sur le volcan sous-marin Kavachi, plus aucune infos le concernant n'a été transmise. Et pour cause: les données satellites n'ont pas permis un suivi régulier, car la couverture nuageuse est fréquemment importante dans cette région équatoriale. Et les images suffisamment claires qui ont été capturées quelques temps après la détection de l'éruption ne montraient plus d’importante tâche colorée (voir image MODIS du 28 mars, ci dessous). L'éruption semblait donc terminée, même si il semble difficile de dire quand elle s'est terminée.
Les archives des images MODIS indiquent toutefois qu'une tâche colorée réapparait le 14 avril dernier. Il n'est pas possible de dire si cette date correspond à son réèl retour car les jours précédents étaient couverts: elle a donc pu revenir n'importe quand au début du mois d'avril. Elle est toujours présente sur les images prises le 02 mai (entre le 14 avril et le 02 mai, aucune journée n'est dégagée) mais semble pas plus importante que celle détectée le 29 janvier.
J'ai compilé les images des trois dates citées ci-dessus pour comparaison.

Activité sous-marine du volcan Kavachi, entre les 28 mars et 02 mai 2014
Retour de la tâche colorée sur le volcan Kavachi, signe d'une activité probablement éruptive sous-marine. Images: MODIS/NASA

Les images prises par l'ASTER (Advanced Spaceborne Thermal Emission and Reflection Radiometer) le 08 mai dernier montre aussi qu'une importante tâche colorée est présente dans la zone. L'avantage des images ASTER, c'est qu'elles sont composées à partir de longueurs d'ondes ("couleurs") différentes de celles utilisées pour produire les images en "vraies couleurs" (Rouge-Vert-Bleu) ci-dessus. En particulier une partie des images ASTER contient les données captées dans le proche infrarouge, qui permettent d'avoir des informations sur la température de l'eau et donc de savoir si quelque chose d'anormal se passe sous l'eau.

Ainsi l’image ASTER prise le 21 mars dernier montre qu'une tâche colorée de faible dimension est toujours présente, qui corrobore le fait que l'éruption était plutôt à ce moment-là dans une phase faible, voire à l'arrêt, la tâche pouvant n'être dûe qu'à un dégazage post-éruptif. Mais lorsqu'on compare cette image avec celle prise le 08 mai, on se rend compte que la dimension de la tâche est de nouveau importante, probable signe d'un regain d'activité sur le volcan. Les images ASTER confirment donc celles du MODIS, en étant plus précises du fait de l'utilisation du très proche infrarouge.

activité du volcan sous-marin Kavachi, les 21 mars et 08 mai 2014
La tâche colorée produite par le volcan sous-marin Kavachi, les 21 mars et 08 mai 2014. Images: ASTER (AIST/NASA/JSS)

Sources: MODIS; ASTER

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